Très tôt, l’Ajoie éprouve les réalités de la guerre. Le 2 août, alors que le conflit n’est pas encore déclaré entre l’Allemagne et la France, lors d’un échange de tirs à Joncherey (village français situé à 21 km de Courgenay), le caporal Peugeot, 21 ans, est mortellement blessé par le sous-lieutenant allemand Albert Mayer, 22 ans, qui lui aussi tombera sous les balles de l’ennemi. Ce sont les deux premières victimes du front Ouest de la « Grande Guerre ».
Les deux armées, incapables de l’emporter l’une sur l’autre, s’immobilisent face à face sur une ligne qui va de la mer du Nord au Largin (Bonfol), le « Kilomètre zéro » du front Ouest. L’Ajoie, ce coin de neutralité enfoncé entre les deux puissances ennemies, est truffée de points d’observation : les Ebourbettes (Charmoille), le point 510 (Beurnevésin), le Largin, les Ordons, etc., d’où l’on peut observer les opérations qui se déroulent en Alsace voisine. Courgenay, à peine en retrait du front, accueille la troupe, qui dort parfois dans des granges, les officiers supérieurs bénéficiant, eux, du confort d’une chambre à l’Hôtel de la Gare. Au gré des permissions et des relèves, les soldats suisses passent presque tous une fois par l’Ajoie – avec un peu de chance, ils y rencontrent Gilberte…