A Bonfol, sur les Perrières…

… A bâtons rompus avec la Marie-Louise

En 1940, généreuse et pleine d’énergie (Coll. Mbl)

Les dernières nouvelles, on les glisse dans la boîte aux lettres, une ou deux fois par semaine, franco de port pour les soldats et leurs proches

Lors de l’exposition nationale en 1939, on présente des boîtes aux lettres jaunes, auparavant elles étaient généralement vertes, mais hors des grands centres elles subsistent jusqu’en 1945 (source: Musée de la communication, Berne)

ou dans une gare, dans le wagon postal du train, jusqu’en 2004.

(source: Musée de la communication, Berne)

Une adresse, comme beaucoup d’autres

Une seule adresse, en campagne

Et que contient la lettre?

Certainement les dernières nouvelles…

29 janvier 1945, le général est venu à Bonfol

Alors que gronde le canon…

bien payé tout de même

…On se débrouille comme on peut

sans faire la fine-bouche

Et le Paplais

un brave citoyen de Bonfol – sieur Montavon – quelque peu éméché, a purgé six mois dans les geôles de Strasbourg – occupé à coller des fonds de cornets – pour avoir passé illégalement la frontière à Pfetterhouse en claironnant “Heil Hitler”… A son retour, amaigri, une barbe bien fournie, sa maman qui ne le reconnaissait plus: il se présente: “Mère, ton fils est de retour” (source: Mbl)

Le “Paplais”, un sobriquet


Et “Ce Léopold”

Dix jours à Marseille? Pendant la Seconde Guerre mondiale il y avait des échanges de grands blessés entre la France et l’Allemagne. Les convois ferroviaires passaient par la Suisse et l’armée offrait ses services pour accompagner les convois. Les trains venant d’Allemagne s’arrêtaient aux environs de Genève. (Source: Hervé de Weck)

A la radio

on diffuse: “Les Cheveux de Julie sont roux”, ou bien “Les sons monotones des violons de l’automne”

Pour tout un chacun, des citations qui faisaient craindre le pire. Or, ces phrases diffusées à la BBC donnaient des directives ou des informations à un réseau de résistants qui savaient ce qu’elles signifiaient. Elles pouvaient aussi annoncer la date et le lieu d’un parachutage d’armes ou de personnes, la récupération par avion de personnalités. (Source: Hervé de Weck)

Dans la soirée… sur les Perrières…

… on frappe à la porte: un jeune Alsacien, dans la vingtaine, déserteur

Il fuit les Allemands, il ne veut pas endosser l’uniforme pour combattre sous un drapeau ennemi. La famille Wenger qui exploite la ferme au lieu-dit la Verrerie, commune de Lucelle Haut-Rhin, lui indique que la famille Roth, de Bonfol, l’accueillera.

C’est Henri Brun, d’Oberlarg, localité à une dizaine de km de Bonfol. Feintant un bûcheron, il traverse la frontière avec une adresse dans sa poche. Lors d’un contrôle, et sans un lieu précis d’accueil, la gendarmerie de l’armée ou les garde-frontières vous dirigent direction Porrentruy et parfois c’est la prison. Pour Henri tout se passe bien et il restera plus d’une année à Bonfol, à aider au train de campagne et tout ce que cela comporte.

Tel cet épisode: juin 1944, la radio annonce que les Allemands sont entrés dans Paris. Les Ajoulots sont inquiets, se sauver où s’inquiète la Marie-Louise qui devra bientôt accoucher? Et bien sûr l’Abel mobilisé à Frutigen.

Le boucher comme chauffeur

Les automobiles en état de marche sont rares au village, et c’est le Joseph Fülgraf, le boucher, qui conduit la future maman à la Clinique Mandelert, à Porrentruy. Entre-temps, le papa – l’Abel – reçoit une permission pour reconnaître l’enfant (obligatoire)

Congé pour affaire de famille et pas un jour supplémentaire…

Et le retour à la maison…

… le médecin a tout juste le temps de raccompagner ses patientes à la gare s’il le faut. Pour Marie-Louise et sa fillette, c’est le train à vapeur, le CJ qui les conduira à Bonfol. A la gare, on est attendu. Henri – le jeune Alsacien – a attelé la jument Cora au break et via les Perrières.

Une lettre de l’Henri

Collection Roth

Son souci…

… Son frère Jules qui avait été déporté. Jules, neuf ans plus âgé n’avait pas reçu d’ordre de mobilisation, mais comme son frère Henri avait déserté, Jules a été déporté en Russie. Libéré par les Russes, il a pu rejoindre Oberlarg. (Source: Mme Gerber, Pfetterhouse)

Et c’est en toute tranquillité qu’Henri a aussi rejoint son village. La 1re armée française, le 11 novembre, passe à l’offensive dans le Territoire de Belfort, puis en Alsace, le 2 décembre 1944. (Source: Et si la Suisse avait été envahie? 1939-1945, Hervé de Weck, Pierre Streit)

Henri qui a épousé Bernadette en 1951, est souvent revenu à Bonfol visiter la famille Roth, et bien sûr toujours … à bicyclette.

Jules – 1908-1984 – et Henri 1917-1990 – reposent au cimetière d’Oberlarg.

porte-plume, crayon, boîte aux lettres on prenait un peu de temps pour transmettre nouvelles et états d’âme

Ou comme Franz Schubert 1797 – 1828

lors du dernier automne de sa vie

a aussi transmis ses sentiments profonds, parfois mélancoliques, dans sa sérénade “Lieder ohne Wort” (Source: domaine public)

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